L’Histoire de Gargas

L’Oppidum de Perréal

La colline de Perréal, promontoire de 741 m de hauteur, domine le village de Gargas au nord. L’oppidum a connu toutes les occupations humaines, depuis l’âge de fer jusque vers l’an 50.

Les différentes tribus habitant le pays furent fédérées par les Albiens. Perréal devint la capitale celto-ligure de cette confédération.

Les Albiens firent alliance avec les Phocéens pour défendre Marseille assiégé par les armées de César en 49 avant J.C. Vainqueurs, les Romains détruisirent Perréal.

La colline sera de nouveau occupée au Moyen-Âge et jusqu’au 17ème siècle.

Il ne reste aujourd’hui que quelques murets et une chapelle romane édifiée en 1551, sous le vocable de Sainte Radegonde.

L’Ancien village de Gargas

Le castellum de Gargas était détenu par la puissante famille AGOULT-SIMIANE.

L’agglomération apparaît pour la première fois en 992 dans le cartulaire de l’église d’Apt. La forteresse avec son donjon remonterait au Xe ou XIe siècle.

Implanté sur la partie sommitale d’une colline (aujourd’hui appelée « Le Fort »), le site est idéal du point de vue stratégique : au nord et à l’est, des abords abrupts, et à l’ouest et au midi, des remparts.

Ces avantages définiront son histoire !

– Ainsi, dans la seconde moitié du XIVe siècle, suite aux vols de bétails et pillages de l’abbaye de Sainte-Croix sise sur le terroir de Roussillon, les religieuses viendront se réfugier à Gargas.

– Ainsi, lors des guerres de religion au XVIe siècle, le fort sera âprement disputé. Il tombe aux mains des réformés en 1574 : le château seigneurial est pillé et le village sert de point d’appui aux troupes protestantes pour harceler les environs. Repris par les catholiques, retombant en 1589 aux mains de protestants, Gargas est à nouveau occupé par les ligueurs. Claude de Simiane, seigneur du lieu, devra leur promettre une forte somme d’argent pour qu’ils se retirent.

– Ainsi, en 1596, refusant de réduire en hommes la compagnie du baron d’Oise qu’il commandait sur Apt, le capitaine Taxil choisit de s’installer dans le fort de Gargas pour se livrer à des exactions dans les environs. Sur plainte des magistrats aptésiens, un arrêt de la cour de Provence ordonne l’évacuation du lieu. En vain !Après négociation et dédommagements substantiels pour le capitaine TAXIL, le procureur optera donc pour la destruction de la forteresse de Gargas : chaque communauté de la viguerie d’Apt sera tenue de fournir et de payer cinq hommes par feu (foyer) pour y participer.

De fait, la forteresse sera démantelée… en 3 jours !

L’ancien cadastre de 1682 – 1722 mentionne encore 40 maisons pour 36 propriétaires.

Au fil du temps, la forteresse servira de carrière de pierres, comme le reste des constructions du village.

Le village disparu

D’après un document de 1542, l’église paroissiale, sous le vocable de Saint-Pierre, était juxtaposée à la forteresse.

Contiguë à l’église et au cimetière se trouvait la maison claustrale, avec son four à cuire le pain : c’est là que se rédigeaient en grande majorité les actes notariés des habitants du lieu et que se tenaient les assemblées consulaires.

Sur environ 3 000 m² de superficie totale, les maisons de Gargas étaient des habitats rustiques, entrelacés, construits principalement en torchis. Cette organisation engendrait une promiscuité familiale et un fort voisinage autour du four commun pour le pain et du moulin à huile. Pour l’eau, tous les habitants devaient descendre à la seule fontaine, dans la plaine. Les moulins à grains longeaient la rivière d’Urbane…

Avec la paix revenue, ces conditions de vie deviendront pesantes.

Sous l’Ancien Régime, hormis le desservant de la paroisse, le maréchal ferrant, trois meuniers et quelques notables, plus de 95 % de la population vivait de l’agriculture. Les habitants vont donc quitter le village et s’établir progressivement dans la plaine près du lieu de travail et des nappes d’eau omniprésentes (d’où les nombreux lieux-dits actuellement référencés sur la commune).

Bibliographie

de Cockborne A. M., 2010 – Gargas – Hier et aujourd’hui – Son habitat au cours du temps. Ed. Territoire.et Mémoire.

de Cockborne A. M., 2011 – Gargas – Hier et aujourd’hui – Sa population. Ed. Territoire.

Didier N., Dubled H. Barruol J. et Latouche R., 1967 – Cartulaire de l’Eglise d’Apt – Ed. Paris Librairie Dalloz.

Harbonnier R., 1990 – La démolition du fort de Gargas – Revue ARCHIPAL N°27, pp2-9.

Sauve F., 1906 – Gargas : Notre Dame de Broux, le château, la commune et la seigneurie. Imp. – Ed. F. Seguin, Avignon.

Tamisier A., 1969 – Le vieux Gargas, description et décadence. Provence Historique, T. 21.

L’ÉGLISE SAINT DENIS

Saint Denis, premier évêque de Paris, est un évangélisateur envoyé dans un milieu hostile aux idées de la religion nouvelle, le peuple des Parisii.

 

Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les remparts du village de Gargas abritaient sur la colline l’église paroissiale Saint-Pierre, son presbytère et son cimetière. A la fin du XVIe siècle, le mauvais état de cette église impliquait des travaux si importants que la communauté de Gargas opta pour la construction d’un nouvel édifice en contre-bas du village.

Dans une région revenue au calme et en reconstruction, où se sont établies de fortes communautés protestantes, l’arrivée de Saint-Denis peut donc être interprétée comme l’envoi d’un évangélisateur en terre hérétique !

SON FONDS PATRIMONIAL

De l’inventaire dressé en 1991 en vue de la restauration du patrimoine artistique de l’église paroissiale, il ressort des éléments spectaculaires et originaux tels que: des bannières de procession (XVII°), des santons de grande taille aux vêtements somptueux, des lithographies et des gravures représentant des scènes de la vie et de la passion du Christ,  un ex-voto peint dédié à Saint-Denis et daté de 1752, quatre grandes tapisseries relatant le cycle de la vie et du martyre de Saint-Denis, une peinture représentant la fuite en Égypte, et deux autels baroques dédiés l’un à Saint-Denis et l’autre à la Vierge.

LES TAPISSERIES

La qualité de ces tapisseries plaide pour une commande à un artiste de talent, qui les aurait exécutées au début du XVII siècle, quelques dizaines d’années après la construction de l’église. Ces tentures relatent l’histoire de la mission et du martyre de Denis selon la « Légende dorée ». Elles montrent le Saint renversant une statue du dieu païen Mercure, prêchant la parole de Dieu au peuple de Paris, puis le martyre du saint, décapité par les soldats romains et le miracle, Saint-Denis portant sa tête jusqu’au Mont des Martyrs.

Aujourd’hui, après restauration, on ne voit que trois tableaux aux murs car deux des tapisseries étant très abîmées ont été réunies en une seule.

LE RETABLE  DE SAINT DENIS

Ce meuble a bénéficié fin 2021 d’une délicate restauration compte tenu de la valeur et le la complexité de son ensemble.

Le buste de Saint Denis aurait occupé la chapelle de gauche : son déplacement dans le chœur remonterait à une quarantaine d’années. La réalisation de la table d’autel en pierre calcaire, l’aménagement d’une niche pour le reliquaire de saint Denis et sa grille/verre, et l’ajout de deux panneaux de menuiserie pour fermer les côtés auraient eu lieu à ce moment là.

De style baroque, en bois sculpté doré et peint, l’ensemble est constitué de trois registres : les soubassements sans l’autel (avancé suite à Vatican II), les gradins posés sur le plateau du soubassement, les colonnes, les consoles et la niche comportant le buste de Saint Denis, et enfin le fronton qui occupe le troisième registre.

Il s’agit donc d’un ensemble recomposé à des époques différentes : la partie supérieure (gradins, encadrement, consoles, supports et couronnement) date du XVII° siècle. L’autel et ses nombreuses moulures seraient du XVIII° siècle. La niche, son cadre et les volets abritant le buste de saint Denis sont de périodes différentes.

On ignore s’il y a toujours eu une niche pour le buste ou bien s’il y eut une peinture sur toile contemporaine du retable, disparue depuis ?

LE DAIS DE PROCESSION

Trouvé dans un renfoncement du passage menant au clocher, ce dais de procession en bois était peut-être affecté au buste de saint Denis. Il est constitué d’un socle, de 4 arcatures chantournées, portées par des montants à colonnettes et réunies à leur sommet par une pomme. Le plancher rectangulaire est percé de trous pour visser la statue et de 4 trous latéraux pour les deux barres de support (manquantes).

L’Histoire du Blason de Gargas

LES ORIGINES

Dominant le pays d’Apt et de Sault, la puissante famille d’Agoult donne naissance au XIe siècle à deux importantes lignées en Provence : la maison de Simiane et la maison de Viens.

En 1090, Raimbault 1er d’Agoult, Baron de Sault, d’Apt et de Caseneuve épouse l’unique héritière de la Maison de Simiane, Sancie, Dame de Gordes et de Joucas.

Raimbault participe à la toute première croisade (1095-1099) avec son frère Laugier, lequel aurait ramené en trophée un étendard ottoman, nommé le « Voile de Sainte Anne ».

 

En ces temps là, on se bat cuirassé et sous heaume. Pour identifier les nobles en tournoi, il s’imposait d’avoir une identité conçue selon le langage codé de l’héraldique : des « armes figurées », attributs qui vont évoluer en armoiries et blasons, notamment lors des croisades.

 

Vers 1120, Laugier, Évèque d’Apt, fait donation à Guirand et Bertrand, les deux fils de Raimbault et de Sancie, de plusieurs terres dont Gargas, petit fief que la position dominante rend stratégique

 

Aîné de sa lignée, Guirand avait pris les armes et le nom de la Maison de Simiane pour lui et sa descendance directe, laissant le titre d’Agoult à son frère. Ces armoiries maternelles sont ensuite abandonnées pour un blason comportant un champ « d’azur » semé de tours et « de lys d’or » !

Le champ d’azur uniquement semé de lys d’or est l’écu attribué par Saint Louis à son fils aîné, Louis de France!! Or la Maison de Simiane n’est pas de lignée capétienne : quelle explication donner à cet « emprunt » d’une arme royale ?

Faut-il voir ici une grâce du Roi de France envers son vassal, pour sa bravoure lors d’une bataille, sa loyauté lors d’un conflit, son efficacité durant une négociation ardue ? Faut-il y associer la volonté de la Maison de Simiane d’afficher son attachement au royal suzerain en toutes circonstances ?

L’énigme demeure…En héraldique, une tour indique la possession d’un château ou d’une place fortifiée. L’Armorial évoque pour la Maison de Simiane une devise a double sens: « Sustentant lilia turres » soit « Les Lys soutiennent les Tours » ou « Les Tours soutiennent les Lys ».

L’ÉVOLUTION

Si la Révolution de 1789 mit à mal privilèges, nobles et attributs, entraînant la disparition des blasons, Napoléon 1er restaura le principe du blasonnement comme signe distinctif et l’ouvrit aux villes de l’Empire.

Le décret du 17 mai 1809, rendu conformément à l’avis du Conseil du Sceau, détermina, pour les villes de France, un ensemble de prescriptions dans l’ordre des couronnes murales, des signes distinctifs, des ornements extérieurs : pour les simples communes, ce sera notamment une couronne avec un mur crénelé et trois tours, une tour centrale et deux autres aux extrémités du mur. 

En application de la loi du 5 avril 1884, les communes disposeront ensuite de la souveraineté totale en matière d’armoiries. La délibération du Conseil municipal, qui en aura accepté la composition, est l’acte officiel par lequel le blason communal acquiert son existence légale.

 

Ainsi, en 1995, lors de la réalisation de l’Armorial de Provence initié par le Conseil Général du Vaucluse,  le conseil municipal de Gargas décide que le champ d’azur, les lis et les tours accueilleront un « meuble » caractérisant le territoire de la commune.  Ce sera le « gypse-fer-de lance », une des richesses du sous-sol gargassien remontant à plus de 225 millions d’années… éclat minéral représenté par la forme élancée rouge au centre du blason

 

En 2021, sur les instances de Madame le maire, le Conseil Municipal opte pour enrichir le blason et affirmer la qualité de vie au sein de son territoire, en ajoutant deux rameaux d’olivier, symbole héraldique de paix universelle…